Dans un contexte de profondes remises en cause des systèmes et des pratiques d’élevage, nous avons analysé, dans le projet de recherche ACCEPT financé par le CASDAR, la controverse sur l’élevage, ses acteurs, son audience et les mécanismes sociologiques à l’œuvre. Ces travaux visaient à aider les filières animales à renouer le dialogue avec la société et à adapter leurs stratégies et pratiques à ce nouveau contexte. Mon exposé restituera les principaux enseignements de ce projet, fournissant des clés de compréhension des enjeux sociaux de ces critiques envers l’élevage. L’analyse sociohistorique souligne l’ancrage historique de ces préoccupations et leurs évolutions. A partir d’enquêtes qualitatives, nous avons identifié quatre grands registres de désaccords sur l’élevage : son impact environnemental, le bien-être animal, la santé animale et humaine et le modèle intensif. Par enquête quantitative, nous avons évalué comment ces débats pénètrent la société française et identifié cinq profils de citoyens selon leurs points de vue et attentes sur l’élevage et les produits animaux : les abolitionnistes, les alternatifs, les progressistes, les compétiteurs et les indifférents. En réponse aux remises en cause adressées à l’élevage, les filières misent sur la communication, le dialogue voire la concertation et la co-construction, la mise en œuvre de chartes de bonnes pratiques, ainsi que sur la différenciation des modes de production et la segmentation du marché. En définitive, la controverse autour de l’élevage apparaît comme un moment de redéfinition des consensus autour de ce qui est acceptable tout en générant de l’incertitude sur la résolution du conflit. La transition vers des modes et pratiques d’élevage plus respectueux est en effet porteuse de risques, en particulier dans le contexte actuel perturbé (guerres, pandémie, inflation…), pour les acteurs économiques : flambée des coûts, baisse de la consommation, découragement des producteurs, baisse de la production, hausse des importations…

Christine Roguet, cheffe de projet au Pôle Economie de l’ifip-institut du porc