Faire l'histoire de Fougères n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Comparée à des métropoles (Bordeaux, Aix-en-Provence ou Rennes), elle semble bien modeste et elle relève de la masse des petites et moyennes villes si nombreuses en France et en Europe, et pourtant si peu étudiée. Là réside en effet la deuxième difficulté : l'historiographie sur l'histoire de la ville est très largement datée. Depuis plus d'un siècle, il n'y a pas eu de synthèse. Les principaux éléments sont alors fixés, l'histoire fougeraise se résumant à son château, à la chouannerie et à ses usines de chaussures. Enfin, une dernière difficulté est liée à sa naissance relativement tardive. Là où de nombreuses agglomérations se targuent d'un passé romain, parfois attesté par l'archéologie, Fougères semble bel et bien apparaître lorsqu'un château est construit dans les brumes documentaires du début du XIe siècle. Alors émerge une agglomération "éclatée" faite de bourgs disjoints jusqu'au XIIe siècle. Avec la croissance urbaine et démographique, Fougères prend une allure urbaine au cours du XIIIe siècle ; allure qu'elle conserve jusqu'à l'aube du XIXe siècle. Au cours de ce long Moyen Âge, elle devient une ville. Progressivement ses formes se fixent. Les maisons s'installent le long des rues qui deviennent des routes en poursuivant leur chemin vers les proches campagnes et au-delà. À l'inverse de nombreuses autres villes, Fougères ne prend toutefois pas une forme étoilée. Sa croissance s'effectue vers l'est, la Normandie et le Maine, en partie pour des raisons géographiques. Puis au milieu du XIXe siècle, avec la révolution industrielle, la vieille ville médiévale et moderne qui a inspiré Hugo et Balzac voit un nouveau quartier croître : Bonabry, quasiment une ville nouvelle à l'échelle de Fougères. Quartier ouvrier, où naquit Marcel dit Jean Guéhenno, Bonabry abrite une large partie des usines de chaussures et des activités ouvrières. Économie fragile, régulièrement ponctuée de grèves, de tensions et de difficultés, la mono-industrie fougeraise décline lors des Trente Glorieuses. Fougères prend alors une nouvelle forme, commune à de nombreuses villes, avec l'étalement urbain rendu possible du fait de la diffusion de la voiture et de l'imposition d'un modèle de logement, celui de la maison individuelle avec son jardin. En ce début de XXIe siècle, la ville, comme d'autres en est là, mais sa petitesse lui confère un certain nombre d'avantages pour les défis à venir. Fougères est réellement à taille humaine, de par ses dimensions, elle se parcourt aisément. Et enfin elle est verte car entourée de campagnes et surtout ponctuée de parcs et de jardins. D'ailleurs, à quelques dizaines de mètres du château médiéval existent toujours des champs.
Julien Bachelier, agrégé d'histoire et docteur en histoire médiéval